Par cette déclaration commune, l’Alternative Communiste en Irak et l’Union Pour le Communisme souhaitent affirmer dans la période actuelle :
– que le capitalisme porte une lourde responsabilité en augmentant considérablement la vulnérabilité de la population mondiale face au COVID-19
– que la pandémie, conjuguée à la récession économique, est un révélateur des antagonismes de classes
– que les luttes et les organisations de la classe ouvrière doivent se placer dans une perspective révolutionnaire et internationale.
La pandémie a causé une désorganisation du système économique qui prouve l’incapacité du marché à régler la situation. En reprenant la production pour des produits futiles au lieu de protéger leurs salarié·e·s ou de ré-orienter leurs activités vers des productions essentielles, les entreprises ont confirmé leur nocivité.
Selon le Programme Alimentaire Mondial, la famine pourrait toucher 265 millions de personnes en 2020, au lieu de 135 en 2019, à cause des dysfonctionnements dans l’approvisionnement des productions nécessaires à l’agriculture et des denrées. Les méthodes organisationnelles mises en place à la fin du 20ème siècle par le capital pour rétablir les taux de profit montrent aujourd’hui leurs limites : La concentration des usines pharmaceutiques en Inde ou en Chine et l’insuffisance des stockages conjuguées au blocage des flux ont entraîné une pénurie dans de nombreux pays. Un exemple parlant est celui des médicaments, tels que le paracétamol. Mise à part quelques exceptions, les États et leurs dirigeant.es ont été tout aussi incapable de répondre à la situation en décidant de prioriser le maintien des intérêts capitalistes avant la sauvegarde des populations. Parfois même de manière ridicule, comme au Brésil où Bolsonaro combat ouvertement toute mesure sanitaire. Ce n’est guère mieux en France, où le gouvernement a ajourné le 29 février une discussion au parlement sur la prévention de la pandémie pour faire passer en force une réforme régressive réduisant les droits à la retraite des travailleurs. Sous prétexte d’agilité, de capacité d’adaptation et de d’innovation (ou par crainte du spectre de la planification ?), le refus de toute prévision et de toute anticipation dans l’intérêt de la survie des personnes est devenu un dogme. Surtout, c’est l’absence de solidarité internationale entre État qui est flagrante : absence ou presque d’allocation d’aides internationales, perturbation de la circulation de l’information sur les dangers de la pandémie, inaction des organismes supra-étatiques (en premier lieu l’Union Européenne), suspension du budget étasunien destiné à l’Organisation Mondiale de la Santé etc. Ils ont même aggravé la situation, en se livrant bataille pour acquérir des masques, en déséquilibrant les cours du pétrole, en poursuivant les guerres commerciales, les blocus voire les conflits armés. En France, il est frappant de constater que les usines d’armement ont continuer à produire malgré le confinement. En Irak, si l’on excepte le conflit continu entre les Etats-Unis et l’Iran, le gouvernement, ses agents du renseignement et ses milices ont persévéré dans la répression du soulèvement d’octobre (Al-Intifadha).
La gestion de la crise pandémique est plus ou moins assurée selon les pays, mais elle est quasiment toujours orientée en faveur de la bourgeoisie, par ses gouvernements et autres forces politiques. Le système économique actuel est en effet synonyme d’inégalités sociales, d’inégalités de ressources entre pays et de coupes budgétaires dans les structures sanitaires qui ont fragilisé les capacités de défense des populations. La mise en œuvre de la distanciation sociale, des mesures de confinement, est rendu quasiment impossible par les conditions matérielles imposées par l’économie. Ceci est plus particulièrement criant dans les territoires les plus populaires dont les habitants sont contraints de se bousculer dans des logements sur-occupés et insalubres, dans des transports en commun bondés, dans des supermarchés ou des usines qui tournent à plein régime. Et les violences policières (18 morts tués par la police au Nigeria fin mars par exemple, divers cas d’humiliation envers ceux qui ont pu défier les règles de quarantaine à travers le monde) n’y changeront rien. C’est la classe ouvrière qui se sacrifie pour assurer les soins et les productions essentielles, et notamment les femmes et les précaires « uberisées », les travailleur.se.s de l’entretien, du transport, de la logistique qui sont en première ligne du front contre la pandémie. Ce sont les plus pauvres privé.es de logements ou vivant dans des quartiers précaires, les invalides, les réfugié.e.s, les déplacé.e.s, les prisonie.ère.s, celles et ceux vivant dans des camps, les personnes atteintes de maladies chroniques (le diabète et l’obésité touchent proportionnellement moins les riches) qui sont les premières victimes du COVID-19. Ce sont surtout les premières victimes du darwinisme social à l’œuvre dans les pays qui parient sur une possible « immunité collective » pour se débarrasser de la pandémie. Ce sont nos droits qui sont attaqués pour accroître l’exploitation (baisse des salaires, casse des réglementations du travail etc.) dans un contexte d’explosion du chômage. De l’autre côté de la barricade, les capitalistes bénéficient d’un soutien financier des pouvoirs publics sans contrepartie, avec par exemple le renflouement des actions boursières par la FED aux Etats-Unis ou le versement de subventions aux entreprises du secteur aérien en France.
En donnant un coup d’accélérateur à la désorganisation et aux contradictions du système capitaliste, la crise pandémique a déclenché une récession économique encore plus sévère que celle de 2008. Cette nouvelle récession était en gestation depuis des années
Cette situation de pénurie de profit allant sans doute s’aggraver, la bourgeoisie veut aujourd’hui faire payer les pots cassés à la classe ouvrière en accroissant l’exploitation des travailleurs et travailleuses. Cette contre-attaque bourgeoise va-t-elle sonner le glas des conflits sociaux qui enflamment depuis des mois le monde entier (Chili, Bolivie, Algérie, Irak, France… et encore aujourd’hui au Liban) ?
La sortie de crise sera possiblement marquée par des évolutions dans les équilibres géostratégiques entre les grandes puissances. Pour les dirigeant.es de la classe bourgeoise, cette période sera surtout une opportunité idéale pour tenter de restructurer le système capitaliste et retrouver le chemin du profit. Diverses vielles recettes recyclées sont proposées dans ce but pour sauver le capitalisme.
Mais les ingrédients ne sont pas neufs ou ont déjà commencé à être élaborés : innovations numériques destinées à intensifier l’exploitation (perfectionnement du recours à l’Intelligence Artificielle pour le managment par exemple), hausse et flexibilisation du temps de travail, revenu minimum universel low cost en échange de la disparition des emplois stables, relocalisation de l’économie, poursuite du développement du capitalisme vert à base de « green washing » etc. Quelle que soit la mixture qui en résultera, elle sera des plus indigeste pour notre classe si elle ne retrouve pas rapidement le chemin des luttes.
Les actions initiées actuellement au sein de la classe ouvrière relèvent de la solidarité la plus élémentaire (distributions de produits de premières nécessités etc.), de mesures d’auto-défenses face aux attaques en cours (grèves, blocages de productions non essentielles, luttes contre l’inflation ou pour le gel des loyers etc.) ou peuvent être l’amorce de pratiques révolutionnaires (réquisitions, contrôle ouvrier sur la production etc.).
Si ces réponses sont plus ou moins offensives localement selon l’état du rapport de force entre les classes, une riposte à l’échelle internationale s’impose. La faillite de la politique internationale des Etats et de leurs organismes supra-étatiques, la toute puissance des multinationales, et plus largement la mondialisation capitaliste, sont à juste titre montrées du doigt pour leur rôle dans la crise. En réaction, des mesures économiques de type protectionnistes sont mises en avant par une partie des organisations ouvrières et une partie des organisations bourgeoises. Dans tous les cas, la traduction politique de ses mesures risque d’être dramatique
pour la classe ouvrière en ouvrant la porte au chauvinisme etau repli sur soi. Elles pourront prendre le masque de mesures progressistes dans un cadre social-démocrate ou a contrario prendre le visage de régimes nationalistes autoritaires. Mais concrètement, elles vont surtout conduire à un approfondissement de la concurrence entre les prolétaires de tous les pays et à l’aggravation des guerres entre Etats.
En abolissant les frontières, la future société communiste sera basée sur la coopération et les échanges au niveau mondial, mais afin de répondre aux besoins de l’ensemble de l’humanité et non aux besoins d’une minorité.
Il sera donc essentiel dans notre participation à l’affrontement des classes de :
- Localement, tenter de construire une organisation politique de la classe ouvrière avec modestie mais détermination, seule à même de prendre le contrôle des machines pour administrer la production de manière rationnelle. S’engager dans les luttes quotidiennes des travailleur.se.s en demandant une réponse immédiate à leurs revendications, créer un mouvement de masse des travailleur.se.s afin de renverser le capital et réaliser la transition de la société vers le socialisme.
- Globalement, travailler à reconstruire des liens de solidarité et unifier les efforts politiques de la classe ouvrière à une échelle internationale dans l’objectif de renverser le capital.
Lien vers la version anglaise de cette déclaration : http://www.albadeel-alsheoi.org/ar/?p=3170